Les gens de la rue, mon peuple !
Oui ça peut sembler bizarre, mais je me sens bien en leur compagnie.
J’oublie que je suis dépendante, j’oublie que je suis petite, grosse.
J’oublie mes défauts.
Je suis sur un pied d’égalité. Je ne suis ou ne vaux pas mieux qu’eux.
J’ai assez d’humilité pour me faire accepter de tous. Oui, je me sens bien.
Pourtant la rue est dure. Ça fait longtemps qu’il n’y a plus de règle dans la rue.
En fait il y en a une mais elle est plus sournoise : le mieux c’est de ne pas faire de vague.
Depuis les années 90, 2000 les SDF se dépouillent entre eux. Il n’y a plus de respect. C’est la loi du plus fort.
Ça a toujours été comme ça mais aujourd’hui il n’y a plus de frontière.
La seule règle que je vois encore pratiquée de la part des anciens, de ceux qui font la manche et des plus faibles :
Cette règle c’est : on ne touche pas à une maman, encore moins aux enfants , ni aux plus vieux.
Je me sens bien avec eux et comme ma présence est bienveillante, je suis acceptée…
Ils prennent aussi soin de moi, et même si je sais que je n’ai pas besoin d’eux, ça me touche et j’accepte.
Oui c’est mon peuple, ma famille…
J’ai toujours été attirée par les gens de la rue.
Dans les années 80, les gens choisissaient ce mode de vie et ils avaient souvent un chien.
J’aimais caresser leurs chiens au grand désespoir de ma mère.
Le 1er SDF avec qui j’ai parlé, j’avais environ 6 ans.
Je lui ai apporté avec mon frère un repas confectionné par ma mère.
Il était borgne et malgré mon jeune âge je n’avais pas peur.
Il nous a raconté sa rupture avec la société. Tout est parti d’un divorce.
Aujourd’hui encore je me souviens de son histoire.
C’est la première fois où j’ai ressenti de l’empathie pour quelqu’un.
Le 2 ème c’était lors d’une sortie de classe, j’étais encore très jeune.
Il était assis sur un banc du métro et il nous a dit :
» Ecoutez les enfants, il ne faut jamais se droguer, sinon vous finirez en prison, à la rue ou à faire la manche comme moi pour acheter des médicaments pour se soigner ».
Je ne l’ai jamais oublié.
Puis vers 12 ans j’ai sympathisé avec Denis, un ancien éducateur, blond aux yeux bleus, un bel homme.
À l’époque je me demandais, comment on peut tomber dans la rue quand on est beau.
Je prenais du temps avec lui quand je n’allais pas à la messe le dimanche matin.
Et c’est avec lui que j’ai commencé à boire au goulot son vin blanc. Nous nous appréciions bien.
Du jour au lendemain je ne l’ai plus vu, j’ai compris qu’il était mort.
En prenant de l’âge j’ai fait de très nombreuses rencontres avec les plus démunis.
C’est une grande joie pour moi de connaitre ces personnes par leur prénom ; de leur faire la bise.
Être avec eux, me fait oublier que je suis seule.
Quel beau poème rempli d’humanité
Il n’y a qu’une belle âme pour écrire ceci